A Promenoir Poétique CAUSE DES CAUSEUSES | 2016 Flux

Promenoir Poétique 2022 | Nos cueillettes reprennent : Céline Piéri #02 lit Cécile Sauvage dans | Oeuvres complètes

 

 
NaturePhoto Aveyron Marie-Th. Peyrin
 
 
Cécile Sauvage 1883-1927 
Œuvres complètes, éditions la table ronde, 2002
 
 
 
Nature, laisse-moi… page 47
 
Nature, laisse-moi me mêler à ta fange,
M’enfoncer dans la terre où la racine mange,
Où la sève montante est pareille à mon sang.
Je suis comme ton monde où fauche le croissant
Et sous le baiser dru du soleil qui ruisselle,
J’ai le frisson luisant de ton herbe nouvelle.
Tes oiseaux sont éclos dans le nid de mon coeur, 
J’ai dans la chair le goût précis de ta saveur,
Je marche à ton pas rond qui tourne dans la sphère,
Je suis lourde de glèbe, et la branche légère
Me prête sur l’azur son geste aérien.
Mon flanc s’appesantit de germes sur le tien.
Oh ! Laisse que tes fleurs s’élevant des ravines
Attachent à mon sein leurs lèvres enfantines
Pour prendre part au lait de mes fils nourrissons ;
Laisse qu’en regardant la prune des buissons
Je sente qu’elle est bleue entre les feuilles blondes
D’avoir sucé la vie à ma veine profonde.
Personne ne saura comme un fils né de moi
M’aura donné le sens de la terre et des bois, 
Comment ce fruit de chair qui s’enfle de ma sève
Met en moi la lueur d’une aube qui se lève
Aves tous ses émois de rosée et d’oiseaux, 
avec l’étonnement des bourgeons, les réseaux
Qui percent sur la feuille ainsi qu’un doux squelette,
La corolle qui lisse au jour sa collerette,
Et la gousse laineuse où le grain ramassé
Ressemble à l’embryon dans la nuit caressé.
Enfant, abeille humaine au creux de l’alvéole,
Papillon au maillot de chrysalide molle,
Astre neuf incrusté sur un mortel azur ! 
Je suis comme le Dieu au geste bref et dur
Qui pour le premier jour façonna les étoiles
Et leur donna l’éclair et l’ardeur de ses moelles.
Je porte dans mon sein un monde en mouvement
Dont ma force a couvé les jeunes pépiements,
Qui sentira la mer battre dans ses artères,
Qui lèvera son front dans les ombres sévères
Et qui, fait du limon du jour et de la nuit,
Valsera dans l’éther comme un astre réduit.
 
*
 
Je suis grande, je suis la plaine fourragère,
La grappe et le froment pendant à mon côté,
Je marche et me répands ainsi que la lumière,
Ma main verse aux labours les rayons de l’été.
Je suis l’arbre fécond dont le bras fructifie
Et je regarde avec un oeil gros d’infini
Grouiller dans mon giron les graines de la vie
Et des chapelets d’oeufs ceindre mon flanc béni.
Soleil, j’ai comme toi des tresses de semence, 
Mes pas font jaillir l’herbe et s’écarter le sol, 
J’ai le croissant d’argent pour corne d’abondance
Quand je jette la nuit les étoiles au vol. 
La fleur et le grillon dorment dans mes mamelles,
Le faon des biches tremble et me lèche les pieds
Tandis que mon fils nu qui se joue avec elles
Rit comme Jupiter sous les pis nourriciers. 
 
*
 
La corbeille page 27
 
Choisis-moi, dans les joncs tressés de ta corbeille,
Une poire d’automne ayant un goût d’abeille, 
Et dont le flanc doré, creusé jusqu’à moitié,
Offre une voûte blanche et d’un grain régulier.
Choisis-moi le raisin qu’une poussière voile
Et qui semble un insecte enroulé dans sa toile.
Garde-toi d’oublier le cassis desséché,
La pêche qui balance un velours ébréché
Et cette prune bleue allongeant sous l’ombrage
Son œil d’âne troublé par la brume de l’âge.
Jette, si tu m’en crois, ces ramures de buis
Et ces feuilles de chou, mais laisse sur tes fruits
S’entre-croiser la mauve et les pieds d’alouette
Qu’un liseron retient dans son fil de clochettes.
 
*
 
Te voilà, mon petit amant page 71
 
Te voilà, mon petit amant,
Sur le grand lit de ta maman.
Tu gambades, tu te trémousses,
Tu jettes des ruades douces ;
Tu pétris mon cou dans ta main,
Tu baves ton lait du matin, 
Jeune allégresse de la terre.
Tu me trouves belle et légère,
Tu m’aimes, nous nous caressons,
Nous avons les mêmes façons
De rire aux poudres de lumière
Qui dansent dans la chambre claire.
Je peux t’embrasser, te tenir,
Soupeser ton bel avenir.
Bonjour, ma petite statue
De sang, de joie et de chair nue.
Mon petit double, mon émoi,
Je me touche en pressant tes doigts.
Laisse que j’effleure ta joue,
Je bois les bulles de ta moue,
Je te palpe avec mes baisers.
Ne bouge plus. Viens reposer
Sur moi ta fatigue endormie ;
Sois comme ma main engourdie
Qui me paraît, restant à moi,
La main d’un autre. Je suis toi. 
 
 
 
Fumées page 119
 
Le brouillard fondu
Prend les arbres nus
Dans sa molle haleine.
Le jardin frileux
Sous un voile bleu
Se devine à peine.
 
Le soleil blafard
Résout le brouillard
En perles d’eau blanche
Dont le tremblement
Miroite et s’étend
A toutes les branches. 
 
 
*
 
 
Primevère Page 185
 
Je t’ai écrit au clair de lune
Sur la petite table ovale,
D’une écriture toute pâle,
Mots tremblés, à peine irisés
Et qui dessinent des baisers.
Car je veux pour toi des baisers
Muets comme l’ombre et légers
Et qu’il y ait le clair de lune
Et le bruit des branches penchées
Sur cette page détachée.
 
_______________________
 
 

Avec Marc PORCU | Ils ont deux ciels entre leurs mains

 

Mar PORCU ils ont deux ciels entre leurs mains 001

 

 

Ils ont deux ciels entre leurs mains

Pour les enfants venus d’ailleurs

leur pays qu’on dit lointain

reste longtemps une page blanche

perdant sa langue et sa graphie

sous la craie blanche qui s’efface

comme le ciel entre leurs mains

sur le tableau noir de la nuit.

 

 

On naît toujours après une guerre

où il fait nuit noire dans les cœurs

et dans la mémoire la terreur

crève la rose sous ses épines.

 

 

La misère ignore les frontières

les pauvres aussi font des enfants

et voudraient voir aux fontanelles

la source sereine d’un sourire

dans la clairière d’un ailleurs.

 

 

Au tableau noir tous ces enfants

tracent à la craie leur devenir

et l’alphabet s’en enlumine

de douces fleurs au livre d’heures.

 

 

L’ailleurs ouvre sa corolle

au printemps de l’émotion

les mots nouveaux sont des pétales

et leur souffle dessine des étoiles

sur le tableau noir de la nuit.

 

 

Et les étoiles voyagent aussi

eles viennent depuis la nuit des temps

allumer le feu de nos rêves

et les enfants venus d’ailleurs

y cherchent leurs pays lointains.

 

 

Ce sont de grands navigateurs

qui se retrouvent un beau matin

avec deux ciels entre leurs mains

deux ciels qui battent comme leur cœur

au rythme double des marées.

 

 

Leur cœur ignorant les frontières

leur cœur qui s’offre comme la rose

au désir qu’elle a de naître.

 

 

Qu’elle soit de sable

ou de velours

qu’elle soit de chair

ou bien de vents

la rose

alors

les embrasse

comme un soleil de l’intérieur

elle irradie la page blanche.

 

 

Et sous la graphie noire du poème

perce la lumière

d’un autre ailleurs

où naît la langue de demain

qui baptise avec ses fleurs

tous les enfants venus d’ailleurs.

 

 

Marc PORCU, Ils ont deux ciels entre leurs mains,

Editions LA PASSE DU VENT Poésie, p.33-34, 2013.


Avec Martin LAQUET | jour après nuit

  Martin LAQUET jour après nuit 001

 

on ne choisit pas l’heure hein

tu le sais mais on regarde la vie qui file

comme une rivière qui se vide

 

ce que les autres oublieront

je ne l’oublierai pas

je fouille dans les impasses

qui ne tiennent qu’à un fil

les corneilles dans le parc

éliment l’horizon

 

nous avons mal appris à vieillir

aux côtés de l’acide

dans le brouillard des clopes

nos yeux ne prennent plus le large

nous croassons dans de drôles d’enclos

trinquant dans des recoins

du bunker

l’oreille collée au juke-box chagrin

nous sourions terriblement

comme dirait guillaume apollinaire

 

 

peut-être

de nouvelles empreintes

sur la peau de papier

du lilas dans le chagrin

tonnerre en sursis

au-desus de la barque

peut-être

un hublot dans le cœur

 

page dans les parages

ce qui rôde

ce qui vient

juste après le silence

pressé

réel

 

*

 

je ne comprends pas

ceux qui écrivent admirablement bien

je préfère les mots à peine écrits

les mots sauvages boiteux

pris dans le vent convulsé

les mots sales qu’on lave

dans nos bouches

 

*

 

je voudrais

que le temps se lèche les babines

dans nos lits

et sur les plages

il suffirait de découper l’horizon

de descendre un peu plus haut

vers la jeunesse profonde

un dernier old-fashioned

et la nuit déjà referme ses bras

sur nos songes

grandioses et miteux

j’écoute la voix off qui se tait

pas de rewind pas de pause

juste des images

éclatées

 

 

 

Martin LAQUET | ailleurs est un mot comme un autre [Extraits] | 15 août 2005-15 novembre 2013 |jour après nuit | Editions LA PASSE DU VENT Poésie|Octobre 2017 | p.89,90,92,95.

 


Avec Jean-Marc UNDRIENER | ZUGZWANG [Extrait]

 

J M UNDRIENER ZUGZWANG

 

        [...]

        mots à bout touchant

        langue

 

       ne séparant de rien ne

       reliant plus entre elles

 

       les choses

 

       qu'on ne se rappelle pas

       moins là maintenant

       en moins maintenant - qui

 

       refusent de suivre

 

       que tout se taise 

       autour

 

       tout

 

      pendant un temps

      même court qu'on vive

      sans mots accrochés

      aux lèvres sans voix

 

 

 

       trop longtemps on a dû

       rester tu on a dû

       trop longtemps

 

       laisser pourrir

       ce qui au fond

       encore à dire

 

       - attendait 

 

       encore une fois

       ou deux

 

       le ventre

       va se cambrer

       secouer la viande

       soulever le tout

 

 

       au fond toujours

       cette même poignée

       de nerfs insurgés

 

       [...]

 

Jean-Marc UNDRIENER | ZUGZWANG encres  de FUSCO | éditions centrifuges | 2013 | p.37-38

 

ZUGZWANG c'est aussi une EXPOSITION.


Avec Andréa IACOVELLA | Les heures de Nemi [ Extrait]

 

 

Les Heures de Nemi  Andrea IACOVELLA

 

 

 

[...]

pardonnez ce trouble

 

le relâchement

que vous entendez

se prête à glisser

 

plus bas

 

dans la voix

pour y puiser l'élan

encore inédit

sur les pas d'un appel

 

cette descente

qui vous inquiète

est l'effet d'une parole

qui se dénude

dans son déroulement

 

prise de désir

d'une privation

souveraine

apte à accomplir

la clarté d'un ciel

prié des dieux

 

vous entendez là

ce tour funambule

sur les marges de la page

 

la révolution inspirée

d'un derviche

qui anime

le mouvement

d'admiration de la terre

 

[ ce geste d'abandon relève

de la seule initiative des pas

sur la voie des nues ]

 

une ligne inachevée

[commencement et fin]

toujours là

 

au pli d'un silence rayé

dans le vertige dévalé de l'aurore

 

à la proue d'une lueur qui tangue

dans les ornières du lac

 

un îlot désolé dans la mer

 

Nemi au creux des flots

bercée par les vagues

des maux au lointain [sans visage]

qui dans la mer se noient

cent rivages déjouent

le hasard d'un retour

 

nous sommes la rayure

qui dit l'opacité du jour

[une voie barrée dans le bleu

des chemins en forât]

mais une rayure possédée

pour réaliser son nom

 

 

Andréa IACOVELLA, les heures de Nemi,

la rumeur libre Éditions,2011,p.48-50.

 


Avec Joël VERNET | Les petites heures , De la Margeride à l'infini

 

LES PETITES HEURES Joël VERNET

 

 

J'ai ouvert un livre au hasard et l'ai refermé aussitôt.

Cela fait un an que j'en tente la lecture sans y réussir.

C'est pourtant un très grand livre, celui de l'écrivain

jamais rencontré, originaire lui aussi d'un endroit loin

des villes. Ce livre, il est près de moi comme en réserve

pour les jours de famine ou de trop grande tristesse. Il

est une sorte de nourriture, j'en suis persuadé, pour

l'esprit. C'est ainsi que je lis toujours les livres de

quelques frères.

 

    Puis je suis allé me promener dans la campagne où

j'ai marché durant plusieurs heures, passant dans le village

où, autrefois, je ramenais des sacs de farine à la vieille

dame qui voulait à tout prix m'embaucher pour garder les

brebis alors que toutes mes forces de l'époque étaient

tendues vers l'achèvement de mes années de lycée. Des

années d'apprentissage où je m'employais, vaille que vaille,

à accéder à la lointaine parole, à l'impossible parole.

 

    Apercevant la ferme aujourd'hui en ruine, me

reviennent en mémoire le moulin où j'allais déposer les

sacs de grains et cette matinée où la vieille, m'ayant

demandé de lui rendre visite, me proposa un pacte

maladroit, puis conclut soudainement que rien n'était

envisageable avec moi, puis que je préférais les études à

ses brebis. Nous en restâmes donc là, mais je continuai,

durant plusieurs mois, à lui trimballer ses sacs de grains

puis à lui ramener les sacs de farine de ce moulin qui

continue à tourner au-dessus de la mince rivière, mais

à vide.

 

    Après avoir remis les sacs de farine dans un coin de

la grange à laquelle nous pouvions accéder en voiture ou

en charrette car un tumulus de terre, que retenaient deux

murets de pierre, simulait un pont, je repartais par les

chemins à l'instar de n'importe quel ouvrier agricole ou

valet de ferme, non sans avoir  auparavant pris congé de

la paysanne, lui promettant de revenir lorsqu'elle me le

demanderait. Et aujourd'hui encore, interloqué, j'ignore

pourquoi elle avait jeté son dévolu sur ma personne si peu

encline à exercer le moindre travail manuel mais plutôt

portée à la rêverie, à la flânerie à travers la campagne.

Voulait-elle signer là son dernier acte d'espérance ?

 

 

Joël VERNET, LES PETITES HEURES

précédé de AU BORD DU MONDE et suivi de LA MAISON IMMMOBILE,

Les éditions LETTRES VIVES,

Collection entre 4 Yeux,dirigée par Claire Tiévant, 2014,p.12-13


Avec Isabelle PONCET-RIMAUD | Des taches sur la robe

 

DES TACHES SUR LA ROBE Isabelle PONCET-RIMAUD

 

[...]

Tu regardes les taches sur la robe

Tu en fais des papillons du monde

de jour ou de nuit

selon l'espace traversé,

Tu as rendu ton tablier d'enfance

et les mains dans les poches

du présent,

tu revendiques l'accroc, la pièce

ou la couture qui marquent

les avancées de ta liberté.

 

[...]

 

A genoux, l'arbre palpe

le manteau du vent,

ce mendiant venu d'ailleurs.

Il lui fait les poches,

voleurs volés

aux mais entrecroisées.

 

[...]

 

Isabelle PONCET-RIMAUD,Des taches sur la robe,

Editions du Cygne, 2009, p.43


Avec Gabriel LE GAL | Gagner l'ici

 

GAGNER L'ICI   Gabriel LE GAL

 

 

 

Il y a quelques "ici" qui nous obsèdent

Nous provoquent

Attendent tout de nous

Quelques "ici" indépassables qui sans cesse se mettent

Au travers de notre chemin

Et nous demandons le mot de passe

On a beau, l'inventant, le leur donner

Ils insistent

Pour en obtenir un autre

Qui soit le même

Et jamais tout à fait le même

Et leur obstination

Est notre chance

Il y a quelque lumière d'arbre

Quelque pas de femme

Quelque prairie d'enfance

Il y a cette ligne de collines

Du bleu tassé entourant un village

Cette courbe d'un visage

Ils ne crient

Mais réclament leur dû

Et quoi qu'on fasse

On sait - bonheur -

Qu'on en aura jamais fini avec eux

Il y a quelques "ici"

Têtus

Inépuisables

 

 

 

Gabriel LE GAL , Gagner l'ici,

Jacques André Editeur, 2009, p.52-53


Avec Pierre SOLETTI | &crire

 

&CRIRE Pierre SOLETTI

 

         [...]

écrire

cataplasme buriné

asséché

piquant la langue de bois

 

 

grille de mots

 

écrire

où pivote

le livre

tranchant

des entrailles

 

 

écrire

            sémaphore

                        peur

                        platane

 

 

 

écrire

le désordre

où nous vivons

 

 

 

écrire

 

cramponné

à son propre corps

 

écrire

 

 

 

écrire

 

&crire

 

 

tout ce bruit

que nous faisons

pour exister

[...]

 

 

Pierre SOLETTI, &crire,

COLOR GANG,collection luminaires,2011, p.24-32


Avec Nathalie RIERA | Puisque beauté il y a

 

PUISQUE BEAUTE IL Y A  Nathalie RIERA

 

Intensément à mes lèvres

 

Ecrire pour rejoindre.

Ce qui vibre sur la vitre, cet enfin sentiment que la

vie nous a jamais été  aussi appariée. L'alliée ardente,

lorsqu'au loin s'apaise la discorde sur les raisins

empourprés, et fait mûrir le silence.

A mes lèvres, intensément cet enfin " je t'aime"

comme une eau précieuse que seul l'asphalte peut

éreinter.

 

 

Je peux vous dire ce que vous aimez entendre, et vous

dire ce que vous avez oublié d'aimer.

Et vous dire que dire ce n'est jamais que répéter.

Réparer ou rechuter.

Faire silence n'est pas se taire, mais rejoindre l'immense

et l'intense.

En sommes-nous aussi capables que nous le prétendons ?

 

 

 

Nathalie RIERA, Puisque beauté il y a,

Editions Lanskine,2010, p.24-25.


Avec Jean-Pierre SIMEON | Un HOMME sans manteau , pour Marie

UN HOMME SANS MANTEAU Jean-Pierre SIMEON

 

 

                                                Pour Marie

 

Je sais

que nos enfants

les enfants de nos enfants

et leurs enfants encore

 

nous demanderont raison

du feu des ombres de la couleur

du désespoir

que nous faisons

 

je sais

qu'un jour

un homme jettera ses mains

sur son visage

et cherchera la mémoire des hommes

les premiers gestes

du malheur

 

je sais qu'une petite fille

neuve et nue

comme l'herbe d'avril

se lèvera dans l'air noir

et redira pour lui

le long poème du monde

dont nous sommes chacun

la douceur et la rime

 

 

Jean-Pierre SIMEON, Un HOMME sans manteau,

Collection CHEYNE MANIER MELLINETTE EDITEUR,poèmes pour grandir,2000, p.41


En Poémie Amie | Fanny GONDRAN, Depuis ces lieux épars | Les mots infraternels

 

DANS CES LIEUX EPARS  Fanny GONDRAN

 

 

 

Ils s'échappent s'évaporent

ne laissent ni ombre ni empreinte

plus jamais

ne s'alignent

ne s'apparentent

ne s'enfantent

pour construire le poème.

 

Ils sont devenus des graines infertiles

plantées dans le grand drap blanc givré

où les jours et les nuits se déroulent

sans un frisson du coeur

le corps a froid

quand s'inocule le mutisme

jusqu'à l'os.

 

Ils ne cessent d'être écharpés

désaccordés

égorgés

par le faucon au coeur sauvage

qui mène son combat l'écume rouge

au bec

trouant le ciel dévastant la forât

ravinant le champ

défigurant le jardin

là où partout autrefois

Les mots ont eu écho et trace.

 

 

Une ligne parfois s'esquisse

improbable trait au fusain

sur les pentes emmêlées du désastre

c'est

un coup de rasoir

aux poignets rouges de l'aurore

un texte blême

sans lendemain.

 

 

Par pure habitude

on sait encore poser les mains à plat

sur la table de travail

y lire dans les veines

le voyage de l'encre

implorer les syllabes

tourmentées et ferventes

pour qu'elles s'ajointent

au bout des doigts

 

Un jour on rôde à nouveau

autour d'une histoire entre vie et verbe

on en retient le fil

on agite des paroles

à l'embrasure de la page

comme des amulettes de jade

inoubliables mémorisées

transies transparentes

inouïes aiguisées

leur lame claire

ouvre un chemin à rebours de celui

des mots infraternels.

 

 

 

Fanny GONDRAN, Depuis ces lieux épars,

La Passe du Vent, 2006, p.17-19


En Poémie Amie | Mohammed EL AMRAOUI | Accouchement des choses

L'ACCOUCHEMENT DES CHOSES Mohammed EL AMRAOUI

 

 

 

Le hasard a finement dessiné des figures inquiétantes

et des parcours épineux.

 

    et partout l'artifice le chevauche

 

cendre - nuage -cendre

 

    Les solitudes sont là, hors lieu, hors contour, hors

d'âge et celui qui voit - son ciel

 

suspendu

à

 

un visage qui fait défaut

 

   et partout ose voir au-delà de toute saillie la vaste

dégueulasserie du monde.

 

   Le monde ruine n'est que ruine et toi tu ris, qu'est

-ce que tu fous ? dit ma soeur ? le monde ruine n'est  que

ruine.

 

   Le sens

 

   étend ses paupières sur les lampes de vieux

troglodytes et évoque un dieu de grand doute dans les

carrières

 

   où

 

   les piliers vierges soutiennent encore un ciel de

craie blanche.

 

   je marche encore lentement.

 

 

    |||

 

 

    Mes pieds foulent les lieux d'un poème rêche. Les

oreilles traversées, à l'arrière-plan, par le picotement

d'un vieux disque noir de Tom Waits.

 

Les yeux se mi-

ouvrent

 

    dans le noir bref d'une porte. Le niveau du sol

augmente. Et comme si tout à coup,

 

    une hallucination blanche atterrissait sur mon

crâne accroché au sommeil, vêtu d'écrits sur pelure

de fruits. Assailli de bruit, de foudroiement.

    Des images de son os abasilaire, sortent affabulées.

La pierre

    se transmue en

    archive :

 

    |||

 

    Royaumes vains, installations défensives, forêt

pour manoeuvres militaires,églises reconstruites,

places fortes,dynasties qui se succèdent sur les branches

d'un arbre nu, héritage de sobriquets sanguinaires,

mariages arrangés, culte des martyrs, gestes

hiératiques, paysans affamés, assemblés dans l'attente

d'une date brutale, un compte aperçoit une feinte dans

les yeux de sa femmes et la jette,toute brûlée,du haut

d'une fière tour, un roi sans terre, assis dans une

motte, comme une silhouette dans l'Anatomie de la

 

mélancolie, le visage dans sa main, le coude sur la

table

     des anciennes lois,

     son frère , à côté,

     dessine un coeur en forme de lion, et écrit, avec un

rire bas, sur un morceau de tissu :

 

     Jérusalem n'est pas très loin !

 

 

             

 

Mohammed EL AMRAOUI, Accouchement des choses,

DUMERCHEZ Edition, 2008, p.22-25

 

         


Avec Sylvie BRES | COEUR TROGLODYTE

 

 

J'aurais voulu la légèreté

d'un pas-de-deux

mais je n'ai que la parodie

d'un tango immaculé

où je plonge tête renversée,

ciel de lit inversé

 

                       La mort me secoue

                       révoltée

                       elle me plie,

                       nous virons en tapinois

                       elle me lutine

                       égérie dévergondée

                       de l'instant -

 

 

                       En désaccord

                       elle me mène

                       derrière le miroir

                       Bouffées de bandonéon

                       halluciné,

                       elle suspend

                       mon vol

                       renverse ma vision.

 

 

Cul par-dessus bord

elle inverse mes rêves,

à l'aune de son tempo

elle fait céder

le chant ténu

qui m'affligeait

 

 

Elle m'inflige des allers et retours

incessants

et le vertige

s'installe

dément,

qui me démembre

et m'appesantit.

 

 

                       Spasme - Sursaut -

                       J'aurais

                       voulu une java,

                       un branle ou une passacaille

                       pour apprivoiser

                       mon départ

                       et je m'étourdis

                       d'espérance.

 

 

 

Sylvie BRES, COEUR TROGLODYTE,préfacé par Yves BONNEFOY,

Le Castor Astral, 2014, p.55-57.

 

 

 

 

 

 

                                    Elle m'inflige des allers et retours

                                    incessants

                                    et le vertige

                                    s'installe

                                    dément,

                                    qui me démembre

                                    et m'appesantit.

                           


Avec Patrick DUBOST | mélancolie douce

 

 

MELANCOLIE DOUCE Patrick DUBOST

 

 

 

(*39)

J'ai choisi de dormir

    tout un siècle avec

    pour compagne exclusive

    la mélancolie douce.

 

Ou moins douce quand elle

    vient cogner à la porte

    et secoue de vieux linges

    dont il me semble que déjà

    ils pendaient aux cordages

    d'une aïeule acariâtre.

Ou moins douce quand elle

    me prend par le menton

    et me crie sous le nez

    que le temps pour moi

    se décline au passé.

Ou sévère quand elle

    glisse sous mon lit

    en tenue de grand deuil et

    par quelques grognements

    chante en latin d'église.

Ou sévère quand elle

    s'invite sous mes draps

    et joue avec mon corps

    comme s'il n'était jamais

    qu'un sac rempli de

    clous et boulons sonores.

Ou sévère quand elle

    emprunte mes pantoufles

    et s'amuse à danser

    sans un bruit là-haut

    au sommet de l'armoire

    le tango des perdants.

Cet ultime tango

    avec de vieilles hardes

    qu'on croyait à la benne

    et ce vieux couvre-chef

    à ne couvrir jamais

    qu'un cerveau dévidé.

Ce tango des oiseaux

    tombés du nid trop tôt

    mais inscrits de toujours 

    à l'école  des vieillards.

Ce tango des oiseaux

    pliés dans un soupçon

    de verdure inutile avec leurs

    tickets de rêves poinçonnés.

Ces oiseaux silencieux

    juchés sur un linceul

    présenté religieusement

    à deux mains sous la lune

    tout en sachant bien que

    l'image ouvre sur rien.

 

 

 

Patrick DUBOST , mélancolie douce,  Editions La Rumeur Libre, 2013, p.53


Avec Anne BROUAN | Des roseaux incertains

 

 

DES ROSEAUX INCERTAINS Anne BROUAN

 

 

Froide lumière des jours pâles et incertains

J'attends le signal des départs inévitables

Vers l'ailleurs des forêts engourdies

La nuit penche sur son bord de vase limpide

Les frondaisons bleuissent dans les champs du ciel

Harassés de rumeurs

L'enfant a peur écoute et rêve

Une pluie de micas aurorale et stellaire

S'abat sur le monde gris

L'enfant caresse les flammes douces de l'éclair

Le satin chaud des souvenirs

 

 

|||

 

Ne m'emporte pas là-bas

Dans la nuit sans étoiles

Aux draps glacés et lourds

L'école désertée abrite mes fantômes

Le tableau grince

Les craies se souviennent

Les vagabonds sur la route des mots

Poèmes sans syllabes des images interdites

Sous le préau ouvert au souffle des errances

L'écume violette du temps

 

Je n'écris plus qu'à l'encre bleue et désolée 

 

 

 

Anne BROUAN,DES ROSEAUX INCERTAINS suivi de Les Vergers du sommeil,

LE BEL AUJOURD'HUI Editions,1999 p. 51 et 56.

 


Avec Emmanuel MERLE | Ecarlates

 

ECARLATES Emmanuel MERLE

 

 

 

Il faut  pourtant apprendre à retourner

vers ces salles au plafond bas, même

pour un enfant à qui la lumière

de certaines ampoules est une menace

d'obscurité et de cri refusé.

 

Plus tard, à l'aplomb exact du souvenir,

ce cri, dans son absence,

éclair d'orage entre les nuages,

il en cherche encore

l'écho,

 

ce cri qui retient son éclat,

un oiseau au bord du gouffre indéfait

de ses ailes.

 

 

|||

 

Ecarlate le cri du grand corbeau d'un jour

d'enfance et d'hiver, écartèlement

d'un son qui accuse le trait de son vol,

 

et de même famille que les braises

lorsque, charbons brûlants, elles montent

jusqu'aux yeux.

 

Cette colère rôde encore une vie plus tard,

comme un ressaut dans la mémoire.

 

 

 

Emmanuel MERLE, Ecarlates, Editions SANG D'ENCRE,2011, p.42 et 46

 

 


Avec Arlette PERUSSIE | Confidences d'une inconnue

 

 

 

CONFIDENCES D'UNE INCONNUE ARLETTE PERUSSIE

 

   C'était peut-être ici

Entre deux imperfections du jour

Sur le chemin cloué à l'odeur de l'été

ici            avec la solitude à côté

Foulant au pied l'herbe jaunie

 

C'était peut-être ainsi

Sous le poids d'un soleil aphasique

Peut-être que      le vent séditieux

A semé des blessures

Sur ce chemin pentu arrosé de cailloux

Peut-être     c'était là

Ou sur la cour battue par

Les coups répétés d'ancêtres disparus

 

        Que dis-tu ?

 

C'est là    que cette terre a saigné

Sous le regard d'une femme ?

 

 

Arlette PERUSSIE, Confidences d'une inconnue,Editions du Cosmogone, 2016 p.61


Avec Alain WEXLER | NOEUDS , L'OEIL

 

NOEUDS Alain WEXLER

 

L'OEIL

 

    L'homme et la femme qui tiennent

entièrement dans l'oeil ne veulent plus en

sortir.

    L'oeil est cette partie si claire, si douce

qui émerge de la nuit et parfois d'une vague.

    Le plaisir d'y rester remédie à la peur

de l'écueil.

    On ne distingue pas leurs mains tant

elles font corps, tant ils craignent tous

deux la séparation.

    L'écueil qui divise la vaue a la forme

d'un nez.

    Depuis que l'oeil ne contient plus

qu'une écume, mâle ou femelle, ses

mains innombrables tentent des caresses.

    On ne voit que cette partie de l'écueil,

la dernière avant un face à face insupportable.

    Mais la partie cachée, qui n'oserait la

voir et la toucher ?

 

 

Alain WEXLER | REVUE VERSO, Noeuds, Editions le dé bleu,2003,p.27

 


Avec Charles JULIET | ULTIME RENCONTRE

 

 

Ils se sont retrouvés

alors qu'ils ne s'étaient

pas revus

depuis de longues années

Une rencontre totalement

inattendue

 

Le hasard avait voulu

qu'il soit de passage

dans la ville où elle résidait

et à la faveur

d'un improbable concours

de cirsonstances

il avait pu

lui rendre visite

 

 

Elle

une femme de grand âge

ne sortant plus guère

mais qui

se trouvant soudain

face à lui

eut subitement

quarante ans

l'âge qu'elle avait

quand ils se sont aimés

pour la première fois

 

 

Lui

un homme d'un certain âge

mais qui

se trouvant soudain

face à elle

redevint sur-le-champ

cet adolescent ébloui

qui l'avait follement

et douloureusement

aimée

 

 

 

Intimidés bouleversés

se pétrissant les mains

ils n'avaient pu échanger

que quelques mots

lui n'ayant surgi

que pour aussitôt

repartir

 

 

 

Ce ne fut donc

qu'une rencontre

des plus brèves

Une rencontre à l'image

de ce qui les avait liés

un amour contrarié

impossible    mal vécu

Mais un amour

si profond

qu'il ne s'est jamais

éteint

 

 

CHARLES JULIET | ULTIME RENCONTRE |

Atelier des Grames | Edition spéciale


Avec Paola PIGANI | Le ciel à rebours |

 

LE CIEL A REBOURS Paola PIGANI

 

 

N'ayez souvenance des murs

où la lumière peine

sur front de terre

le désordre n'aura pas lieu

 

 

N'ayez d'yeux qu'en lisière

 

 

Geôles de pluie geôles de feu

la parole est soudaine

qui encercle l'attente

élève son mur d'ombre

pour mieux taire les songes

pour mieux nous voir

dans les chemins des pierres

 

coupés

de la terre

par la soif

de la main

par le doute

du verbe

par les mots

coupés de nous-mêmes

par l'oeil

insatiable...

                   CHARLES JULIET

 

Des lichens répètent

inlassablement l'or de la terre

l'eau de ses veines

 

les murs même font silence

 

leur miroitement s'épuise

 

Nos pas se hasardent parfois

sur des stelles

où l'homme a fait silence

 

seul un animal a su laisser sa trace

 

 

Paola PIGANI | Le ciel à rebours | Collections Jalons Nouvelle Série  LES PRESSES LITTERAIRES, p.29-30, 1999.

 

 

 

 


Avec Thierry RENARD | Oeuvres Poétiques Tome 1 | Il neige sur ta face | il y aura

                                                                                                                    OEUVRES POETIQUES Tome 1  Thierry RENARD
 

 

 

A la manière de Boris VIAN

 

    Un néant il y aura

autre chose qu'un néant

une chose sans vergogne que l'on appellera l'exil

une chose sordide qui se nommera le grand socle

une en moins misérable et nue

que l'on s'enchâssera sans limite sur le fromage

une en plus sauvage et autoritaire une encore

que l'on enchâssera sur la merveille

comme une commune présence

 

Il y aura l'image sans magie

le spectacle pareil au coquelicot

le papillon toujours battu en neige en brèche

il y aura le coquillage sans aucune situation

la structure tellement contraire au lendemain

le savon trop rarement intérieur

il y aura l'alcool la porte la veillée

et tout un âge sans bruit

il y aura la source la valeur le miracle

et tout un torrent d'azur

 

les heures seront minoritaires

sans éclat sans déconvenue

les regards seront divisés

sans nuage sans nom

 

Inutile de chanter maintenant

le soleil véritable de tout ça

impossible de hurler aujourd'hui

l'ennui la longue attente

 

Une incertaine pluie demeure et s'agite :

un néant il y aura

autre chose qu'un néant

 

 

 

Thierry RENARD | Il neige sur ta face

L'illusion lyrique | Oeuvres Poétiques Tome 1 |

Editions la rumeur libre,  Avril 2016  p.213-214


Avec Angèle PAOLI | De l'autre côté

0

Sur la route        le mur déroule

son pan de pierres

sèches    ocres ce soir

sous la faible lumière    dorées/mordorées

soleil marche

marche sous le vent    elle

miroir    longue plaque de verre

abandonnée                    là

adossée          muret de pierre

rousse        derrière la cahute    Miroir

 

 

|||

 

 

1

elle se déplace    déplace

la paroi de verre  le paysage avec elle          Contre

en appui sur/ en porte-à-faux/ en équilibre/ un peu penché

le ciel s'incline  pastel de nuages qui envahit  surface lisse

les pommelés de gris glissent

poli translucide découpe des branches entre

crête de chênes       une touffe d'herbe vive

en écho au feuillage

 

captif de sa propre image

 

 

Angèle PAOLI | De l'autre côté |

Les éditi.tions du Peti P.iS 

- Collection Prime Abord - 2013 | p.7

 

 


Avec Geneviève RAPHANEL | A l'affût des ailes

 

A L'AFFUT DES AILES GENEVIEVE RAPHANEL

 

 

Franchi le rêve

quel cri martèle

l'exil

 

Dérive du regard

délivrance niée

par l'horizon de cendre

 

Le voyageur 

passe en fraude

 

 

|||

 

Quels mots venus d'étoiles

se cogner à la vitre

 

S'ils ne s'écrasent

un souffle les porte

à l'infini

 

Celui qui marche 

sans visage

attend qu'un peu de jour

lui apprenne son nom

 

 

Geneviève RAPHANEL | A l'affût des ailes | Rougerie | 1991

 


Avec Yve BRESSANDE | Blablabla & de Temps en Temps un poème

 

Blablabla De Temps en Temps un poème Yve BRESSANDE

 

Une voix

 

Voix qui résonne

vibre de milliards de crépitements

d'étincelles fugaces

 

sans voix parfois le monde

reste

face à l'atrocité vide de sens

 

une voix

solitaire   unique

peut faire écho

propager

 

la voix de l'autre

à l'autre

de l'un à l'autre

 

la voix des autres résonne

vibre de milliards de crépitements

d'étincelles fugaces

 

sans voix parfois le monde

reste

face à l'atrocité vide de sens

une voix seule peux dire

dire   faire écho et propager

une voix

 

la voix de l'autre

l'autre voix

une autre voix

 

L'entendre

 

Yve BRESSANDE | Blablabla & Temps en Temps  un poème | BLANKAS POESIE | 2016

 

 

 

 


Avec Valérie CANAT DE CHIZY | Entre le verre et la menthe

 

Entre le verre la menthe Valérie CANAT DE CHIZY

 

 

vous

 

dans la splendeur

d'une nuit d'orage

 

vos visages

autour de moi

 

vous ne m'avez

jamais quittée

 

|||

 

puissent les barques

clapoter

dans l'ombre du saule

 

le lac

 

les rames

 

la douceur

d'une fin de jour

 

 

Valérie CANAT DE CHIZY | entre le verre et la menthe | Jacques ANDRE Editeur | 2008|  p. 58-59

 


Avec Hélène MASSIP | l'affiloir des silences | lessives

  L'affiloir des silences Hélène MASSIP

 

 

Lavage à 30°

Tu t'essores

Les méninges

Le poème, lui

Décolor stop

Se fixe

Dans les bouloches

Des mailles lâches

D'un pull gris

 

Lavage à 30°

Textiles

Textes îles

Le poème flotte

Dans les grumeaux

D'une eau usée

 

Lavage à 30°

Le tambour tourne

360°

embrasser

fixer

les avatars

d'un poème bougon

 

 

Hélène MASSIP | l'affiloir des silences | Jacques André Editeur | 2016 | p.36-37


Avec Chantal RAVEL | à peine un chant | jacques andré éditeur | 2016 | Extrait

  à peine un chant Chantal RAVEL

 

 

 

 

 

Un peu de biais à peine approprié

cet élan de chanson revenante

ce matin -là rue Allard

si loin de la vieille Europe aux anciens parapets

 

Non pas blessure de langue

mais éclisse vibrante d'anciennes ritournelles

réveillant sous l'archet

la corde endormie de l'ostinato

à l'allant du petit jour

 

 

Chantal RAVEL | à peine un chant |Cinquième variation |

| J'ai descendu dans mon jardin | p.64.